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Nous désirons aujourd’hui vous partager notre histoire car nous voulons éviter que cela n’arrive à d’autres familles. Oui je parle de famille car une tique n’attaque pas seulement une personne, mais bien la  famille au complet dans le sens où c’est toute la vie de votre famille qui se voit chambouler à jamais.

 

Nous habitons aux portes de la Gaspésie. En juillet 2018, ma fille de 14 ans se fait piquer dans le centre-ville de St-Jean-sur-Richelieu. Une drôle de piqûre qui enfle et qui devient rouge sur une surface d’environ 10 cm de diamètre. Un gros trou noir au centre et nous ne voyons pas de tique. Le père de ma fille (mon ex-conjoint) va consulter un pharmacien qui lui dit que ce n’est pas une piqûre de tique et de prendre du Bénadril car il s’agit d’une réaction allergique à une piqûre d’insectes tout simplement. Son père empêche ma fille de communiquer avec moi pour me dire ce qui se passe, car il sait que j’aurais été cherché ma fille même si j’étais à 6 heures de route. De retour à la maison 72 heures est déjà passé, je regarde sa piqûre et je commence à faire des recherches sur Google. Elle ressemble à certaine piqûre de tique mais elle n’est pas caractéristique.  Elle n’a pas la cible et nous n’avons pas vu la tique… Je m’inquiète beaucoup et j’appelle info santé. Puisqu’il est tard, on me dit d’aller consulter le lendemain. Je ne dors pas de la nuit donc à 4h30 du matin, je réveille ma fille pour qu’on se rende à l’hôpital. On nous fait attendre longtemps pour finalement nous dire que ce n’est rien et de ne pas nous inquiéter. Mais je suis très consciente qu’ici en région, on ne connaît pas ce genre d’insecte car on n’en entend jamais parlé et le médecin ne nous prend pas au sérieux même si elle revient d’une région endémique. Je suis à la limite de me fâcher car il ne veut pas donner des antibiotiques à ma fille au cas où, puisqu’elle ne pourra plus profiter du soleil et qu’on est l’été. J’ai beau lui dire que je préfère mille fois cela que le fait qu’elle soit malade à vie mais il refuse catégoriquement. Il me propose de lui donner un rendez-vous avec un microbiologiste. Ce que j’accepte immédiatement. Nous sommes le dimanche et le rendez-vous aura lieu mercredi. Nous devons nous rendre à Québec pour aller chercher notre chiot donc j’en profite pour me rendre à l’urgence avec Amélia. Nous attendons environ 8 heures encore pour nous faire dire que ce n’est pas une piqûre de tique. Je commence à croire que je m’en fais pour rien finalement. De retour à la maison le mercredi, tel que convenu, nous rencontrons le microbiologiste. Il nous dit qu’il doute que ce soit cela mais il note une laryngite et des ganglions enflés dans l’aine et devant mon inquiétude, il prescrit donc deux semaines d’antibiotiques à ma fille et il me mentionne que si c’était cela, avec la médication la maladie sera enrayée. J’ai bien confiance en lui puisqu’il m’a déjà sauvée la vie lorsque j’ai eu ma césarienne à la naissance de ma fille et que j’ai attrapé une bactérie très dangereuse. Je repars donc avec la prescription vers la pharmacie, soulagée d’avoir réussi à obtenir cette médication. Elle aura également un prélèvement sanguin dans 5 semaines pour Lyme. Le pharmacien qui est originaire d’ailleurs dans le monde (je ne sais pas exactement de où) me demande comment j’ai fait pour recevoir ce traitement ici. Il n’en revient pas car il dit que nous sommes les premiers à réussir cet exploit. Ici les gens sont obligés d’aller à l’extérieur de pays normalement pour être traités. Il me félicite d’avoir réussi.

 

Amélia prend donc ses antibiotiques et tous se déroulent bien. Nous recevons le résultat de son test pour Lyme et tout est négatif.  Elle continue de faire du sport. Elle joue au soccer deux fois par semaine et fait du patinage artistique 4 fois par semaine. À l’automne, elle se penche pour mettre ses bas et sans raison apparente, elle se fait une entorse cervicale. On lui prescrit des anti-inflammatoires pendant 2 semaines. Au mois de décembre, même chose une autre entorse cervicale sans raison apparente puis plus rien jusqu’au début de mars. Le 31 janvier, Amélia gagne une compétition régionale de patinage artistique. Elle est donc sélectionnée pour participer aux provinciaux à la fin de mars. Une vraie fierté pour notre région et pour nous. Dans la première semaine de mars pendant un séminaire de patinage artistique Amélia craque et se met à pleurer. Elle dit à son entraîneur qu’elle ne va pas bien du tout. Nous en discutons donc toutes les trois. Amélia dit qu’elle ne dort plus depuis un mois, qu’elle a des engourdissements la nuit et que ses genoux lui font vraiment mal. Son entraineur qui est également kinésiologue vérifie et elle voit que ses genoux sont enflés, chauds et rouges.  Dans les semaines qui suivirent, Amélia eu beaucoup d’autres symptômes qui sont apparus : douleurs aux multiples articulations (chevilles, mains, doigts, cou, etc.), les engourdissements aux jambes et aux bras empirent, elle n’a plus sommeil, elle a mal aux muscles sans raison, elle a de la difficulté à marcher certaines journées tellement la douleur est intense, elle a des problèmes de concentration et elle a beaucoup de sécrétions dans sa gorge constamment. Elle doit renoncer à participer aux provinciaux et cède sa place. Une décision pas facile à prendre pour elle… Elle continue malgré tout à patiner car c’est sa passion. Elle réussit tant bien que mal à finir la saison en avril en participant au spectacle de fin d’année.

 

Je fais des recherches et je me rends bien compte qu’Amélia a beaucoup de symptômes se rapportant à la maladie de Lyme. Je trouve le groupe Facebook sur la maladie de Lyme et je pose des questions. On me réfère à Enfance Lyme Québec qui me répond rapidement. Ils prennent le temps de m’expliquer toute la maladie mais également toute la complexité à faire traiter son enfant au Québec. Je suis bouche-bée! Je n’en reviens pas. Tous les médecins du Québec qui n’ont pas le droit de nous aider, nous sommes laissés à nous-même.  On me dit qu’un seul spécialiste a le droit de traiter au Québec et qu’il faut un an pour le voir. Je parle à des gens autour de moi et finalement un ami de mon père me met en contact avec une personne de ma région s’étant faite traitée aux États-Unis. Elle me parle de son traitement, de la durée, du prix et du médecin traitant .Je fais des recherches sur ce médecin et je me rends compte qu’il est vraiment renommé dans ce domaine.  Donc je décide de prendre rendez-vous pour ma fille. Heureusement son rendez-vous est prévu dans seulement trois semaines. Quelques jours plus tard, je me mets à mal aller. J’ai des douleurs à la poitrine le soir avant de me coucher comme des chocs électriques au niveau du cœur et mon cœur s’emballe et saute des battements. Je me rends donc à l’urgence deux fois où l’on me fait passer des ECG mais ceux-ci se révèlent normaux. Je commence à avoir des douleurs intenses au cou et il craque quand je le tourne. Je me rends compte que je ne dors plus depuis pratiquement un mois, je pensais que c’était à cause du stress pour ma fille mais je me réveille toutes les nuits à la même heure, c’est vraiment bizarre. Je me mets à avoir des engourdissements dans les bras la nuit et des fourmillements dans mes muscles. Je parle avec Enfance Lyme Québec et il  m’envoie le questionnaire du Dr. Horowitz. En faisant ce questionnaire, je me rends compte que ma perte abondante de cheveux depuis l’été passé pourrait être liée à tout cela également. J’obtiens un résultat qui me dit qu’il est possible de je sois atteinte de Lyme. Je ne comprends pas, je ne me souviens pas m’être  faite piquée. Je demande donc à être vue en même temps que ma fille car mon état se dégrade assez rapidement et j’ai peur. On nous réfère à une Dre Naturopathe en Ontario qui est également très réputée et nous commençons un traitement de naturopathie avec elle.  Elle nous mentionne la diète à suivre pour éviter l’inflammation : sans sucre, sans produits laitiers, sans alcool et sans gluten. Il faut également manger des produits biologiques. Ce n’est vraiment pas simple à suivre car il y a du sucre dans pratiquement tous les produits commerciaux (sauce, mayonnaise, pain, recettes etc). Notre nouveau régime requiert beaucoup d’heures de recherche sur internet pour trouver des nouveaux produits répondant à ces critères.

 

Après plusieurs discussions avec des gens sur le groupe, on se rend compte que cette maladie est très complexe et très méconnue des médecins. Les moyens de transmissions entre humains sont assez inquiétants (salive et relations sexuelles).

 

Le 27 mars, le médecin des États-Unis nous dit que nous sommes toutes les deux atteintes! Que personne n’en guérit mais que nous aurons des périodes de rémission durant les années à venir. Il évalue le traitement sous antibiotiques nécessaire pour 1 à 4 ans. Il nous parle également de la diète à suivre et nous prescrit une multitude d’antibiotiques et de suppléments de vitamines (Complexe B, vitamine D3, Vitamine C, Magnésium, zinc). On pose beaucoup de questions puisque c’est notre première rencontre et le rendez-vous dure 9 heures pour nos deux consultations. Il nous en coûte alors 500$ US chacune. Nous devrons être vues aux trois mois.  Nous avons de la chance car notre médecin des États-Unis a le droit de pratique des deux côtés de la frontière, donc nos médicaments seront remboursés par notre assurance.

 

En plus de tout l’argent que nous dépensons pour nous faire soigner à l’extérieur, nous sommes constamment stressées, toutes ces histoires d’enfants atteints de Lyme qui ont eu de la difficulté à faire reconnaitre leur état au Québec. Au courant de l’année 2019, nous avons dû nous rendre à l’hôpital plusieurs fois au Québec car Amélia n’allait pas bien malgré son traitement. Plusieurs améliorations étaient présentes mais d’autres problématiques de santé se présentaient. Son médecin des États-Unis demandait qu’elle passe des tests mais pour ce faire, nous devions passer par l’urgence ici et expliquer ses symptômes. Elle passa donc un IRM, un ECG et elle a eu un doppler pendant 24 heures pour son cœur. Elle paniquait souvent car son cœur palpitait, manquait des battements, lui faisait mal.

 

Depuis le début de sa maladie, elle devait faire face à de multiples douleurs et inquiétudes qu’une fille de 15 ans en santé n’avait jamais vécues auparavant. Toute notre vie est affectée par cette maladie. Elle a dû arrêter de jouer au soccer et de patiner car elle est devenue trop fatiguée et trop endolorie. Elle n’était plus capable de suivre les autres alors que ma fille était auparavant la meilleure du groupe dans pratiquement tous les sports. Avant sa maladie elle avait de l’énergie à revendre et elle adorait faire toutes sortes de sports maintenant une journée normale à l’école représente tout un exploit. Elle doit constamment lutter contre le manque d’énergie et elle n’a plus la force de faire du sport. Souvent elle fait une sieste en arrivant de l’école car elle est incapable de faire ses devoirs. Pourtant pour guérir, elle se doit d’être active tous les jours. C’est un défi qui n’est pas facile à relever du tout.  Elle ne peut avoir une vie d’adolescente normale, car elle ne peut pas prendre d’alcool, se coucher tard et même embrasser un garçon ou avoir une relation sexuelle de peur de le contaminer. J’ai mal pour ma fille qui doit subir tout cela dans la période de sa vie la plus bouleversante qu’est l’adolescence. Elle doit avoir une discipline de vie maintenant très stricte si elle veut aller mieux. Elle doit prendre tous ses médicaments, ses vitamines, se coucher tôt, faire du sauna 4 fois minimum par semaine, consacrer tout son temps libre à ses études car elle est en mathématique et en sciences fortes, etc. J’ai énormément de peine de voir ma fille qui me dit sans cesse que sa vie est gâchée car elle ne peut faire de sport. Mon cœur de mère est déchiré de voir qu’elle n’aura jamais une vie normale. Qu’elle ne pourra sûrement jamais avoir d’enfant puisque cette maladie se transmet au fœtus. Mon cœur est déchiré de voir ma fille ainsi souffrir. Elle doit surmonter également plusieurs crises d’anxiété par semaine. C’est également un des nombreux symptômes de cette maladie. Celle-ci nous atteint physiquement sur plusieurs aspects mais psychologiquement également. Même mais trois autres enfants ont de la peine de voir leur sœur rendue malade à ce point. On ne va plus voir les pratiques et les compétitions de patinage artistique et les pratiques et les tournois de soccer d’Amélia. Notre vie a bien changé. Notre routine n’est plus la même et nos priorités ne sont plus les mêmes. Nous n’avons plus de sous pour voyager, pour se gâter et pour se payer du beau linge. Notre rire est plus difficile à obtenir même si avant il était si accessible.

 

De mon côté, je vais beaucoup mieux qu’elle mais j’ai perdu beaucoup de poids (30 livres), moi qui en pesait seulement 145 lb alors ça paraît énormément. Je continue de perdre mes cheveux énormément malgré plusieurs traitements coûteux (injections de plasma) et  j’ai souvent mal aux muscles et/ou aux articulations. J’ai constamment peur de contaminer ou d’avoir déjà contaminé mon conjoint.  Notre vie conjugale a durement été éprouvée durant la dernière année, mon mari avait de la difficulté à comprendre toutes les mesures que je mettais en place pour nous protéger des tiques : s’asperger, asperger nos vêtements, mettre nos vêtements à la sécheuse et vérifier notre corps lorsqu’on revient à la maison. Il me disait constamment qu’il ne pourrait pas continuer de vivre ainsi. Nous avons failli mettre deux fois un terme à notre mariage pendant cette année alors que notre mariage fonctionnait très bien auparavant. Il avait de la difficulté à me supporter dans les épreuves même s’il faisait de son mieux. Donc je vivais avec la peur d’être abandonnée par lui dans toute cette épreuve en plus de tout le reste. J’ai dû suivre des séances avec un psychologue pour m’aider à surmonter tout cela.

 

Depuis quelques mois, notre plus jeune a des symptômes également. Notre médecin aux États-Unis commencera bientôt son suivi avec elle également. Nous vivons constamment dans l’inquiétude de contaminer le reste de notre famille. Nous avons dû vendre notre maison, notre chalet et nos VTT pour être en mesure de payer nos traitements et nous avions pourtant des économies. Toutes les suppléments vitaminiques qu’il faut prendre coûtent extrêmement chers et ce en plus des consultations avec la naturopathe et le médecin aux États-Unis, des frais de déplacements et de la portion de la médication qui n’est pas payée par nos assurances. Sans compter toute la nourriture spéciale sans sucre et biologique que nous devons maintenant acheter. Nous avons investi au moins 20 000$ en 2019 pour aller mieux et notre traitement est loin d’être terminé. Heureusement, mon état me permet de continuer de travailler. Ce qui me ramène constamment à penser à ceux qui ne peuvent le faire. Que font les gens qui ne peuvent se payer ces traitements très dispendieux? Ils n’ont malheureusement d’autres choix que de souffrir. C’est inhumain tout cela, nous ne devrions pas avoir à payer pour guérir. Nous devrions avoir le droit de se sentir compris et en sécurité au Québec en 2020, mais c’est loin d’être le cas. Nous sommes laissés à nous-mêmes tout en sachant que si nous n’allons pas bien, ici ils ne feront rien pour nous sauf nous dire que nous sommes malades dans notre tête. J’ai appris à mes dépends que c’est ce que l’on nous dit quand les médecins ne trouvent pas de quoi nous souffrons. S’ils n’ont pas d’explications médicales et scientifiques à notre état c’est que nous sommes fous!  Pourtant nous allions toutes les deux très bien avant que cette maladie n’entre dans notre vie. Nous étions en parfaite santé. Maintenant nous devons faire face à la pandémie avec un système immunitaire déficient et des craintes qui viennent constamment nous hanter face à toute cette situation terrible. Nous nous sentons démunis face à cette menace qui plane sur nous.

 

Bref, nous n’avons pas gagné notre guerre personnelle contre Lyme mais nous ne lâcherons pas. Ce qui est inconcevable, c’est que tant et aussi longtemps que le gouvernement se cachera la tête dans le sable face à Lyme, plusieurs familles seront touchées par cette maladie parce qu’elles sont mal informées et elles ne pourront donc pas se protéger adéquatement. Ils croiront comme nous les diagnostics erronés des médecins québécois et leurs enfants seront atteints comme les miens de cette maladie toute leur vie. Avec les forces qu’il nous reste, nous devons lutter  pour notre guérison et également pour empêcher que d’autres gens connaissent ce terrible sort. Je suis prête à me battre pour éviter à des parents de vivre ma souffrance, pour que leur(s) enfant(s) aient la chance que ma fille n’a pas eue.  La guerre sera difficile car cette maladie est tellement méconnue, même une partie de ma propre famille ne m’écoute pas quand je leur recommande de se protéger pour aller dehors. Ils me disent qu’ils veulent une vie normale alors qu’ils n’ont aucune idée de ce qui les attend s’ils se font piquer par cet insecte. Ils sont loin d’imaginer ce que nous pouvons ressentir quand notre vie s’écroule. Ils ne veulent pas saisir cette chance que j’aurais tant aimée avoir : celle d’être suffisamment informée pour protéger mes enfants et moi-même. Alors saisissez votre chance et protégez-vous car oui il y en a partout au Québec et c’est une réalité. On ne peut parfois pas les voir tellement elles sont petites, on ne les sent pas lorsqu’elles nous piquent mais elles font des dommages irréparables.

 J’ai énormément de peine de voir ma fille qui me dit sans cesse que sa vie est gâchée 

mère d'Amélia

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